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Quand le chemin des mythes et légendes brille à l’horizon du conte

Dernière mise à jour : 30 oct. 2022


FERRANTE Simona, Sînzienele ou les fées de l'amour. Mythes et légendes de Roumanie, illustrations d’Emil Florin Grama, L’Harmattan, collection la légende des mondes, 2017, 89 p. 12€50 Ce bel ouvrage, orné de magnifiques illustrations, est une contribution à la relecture contemporaine des récits populaires, ici issus de mythes et de légendes de Roumanie. Un prologue situe les sept histoires qui composent l’ouvrage dans l’univers culturel roumain. D’une écriture sensible, elles sont travaillées avec le souci de s’adresser au jeune lectorat, sans ravaler les exigences de style.

Entretien avec l'autrice

Votre livre est clairement un ouvrage d'écriture qui puise dans des récits de tradition orale. Comment l'autrice que vous êtes-vous situez-vous donc vis-à-vis de cette tradition ?

Pensez-vous que ces récits de la tradition populaire exigent, aujourd'hui, pour être perpétués, de passer par l'écriture personnelle ? Pensez-vous qu'il s'agisse tout simplement du procédé commun de la littérature en général ?

Simona Ferrante : J’ai toujours été émerveillée par l’univers populaire. Je suis née dans une grande ville roumaine, Timisoara, qui était à l’époque de mon enfance en plein essor industriel. Il n’y avait rien de magique dans les quartiers, à part des bâtiments, des usines et des magasins alimentaires. La magie était ailleurs, dans les villages. Mes collègues d’école qui y habitaient racontaient souvent le déroulement d’une fête de village, les rites d’un mariage, la tradition émouvante qui accompagnait un enterrement. Cela me fascinait. Plus tard, à l’Université, j’ai fait partie d’un groupe de chanteuses de la littérature populaire. L’atmosphère grave, remplie de mélancolie, que les ballades populaires, les « doine », les chants de douleur à la perte d’un être cher, créaient auprès du public, est restée ancrée en moi. Un jour j’ai raconté à une amie française la ballade populaire qui ouvre le livre, « Le Monastère d’Arges ». Elle m’a écouté attentivement et à la fin elle a pleuré. J’ai senti que je devais raconter ces merveilleuses ballades populaires roumaines méconnues en France. Les raconter, non pas les traduire, non pas les réciter.

D'après la notice de la quatrième de couverture, vous vous êtes aussi appuyée sur des retranscriptions versifiées. Pouvez-vous nous en parler ?

Simona Ferrante : Pour certains contes, Le Monastère d’Arges et Flocon de neige, je me suis basée sur les ballades populaires les plus connues en Roumanie, qui font même partie des sujets pour le Baccalauréat, « Mesterul Manole » (Le maître Manole) et « Miorita » (La brebie). Je les ai racontées en suivant les pas du récit populaire de manière fidèle. Bien sûr en les racontant je les ai réécrites, j’ai créé des narrations qui sont plus explicites que la versification populaire. Pour d’autres contes, La vieille Dochia et Voinicel et le Serpent je pars des textes populaires, ballade et légende, que j’adapte, j’ajuste ou je développe, toujours à ma manière. En occurrence, le conte qui porte le titre du livre, Sînzienele ou les Fées de l’amour est une création à part entière. J’ai introduit des rites qui rythment la vie du village pendant une fête, la fête des Sînziene. Le mot « sinziene » c’est le nom d’une fleur, le gaillet jaune. « Sinzienele » sont aussi des fées imaginaires qui bénissent la nature dans la nuit de 24 juin. C’est aussi un joli prénom féminin roumain. Voici pour exemplifier, un fragment de la ballade populaire « Mesterul Manole » (Le Maître Manole) qui a inspiré mon premier conte, Le Monastère d’Arges : Neuf maîtres maçons, Apprentis et briqueteurs ! Savez-vous quel rêve j’ai fait Depuis que je me suis couché ? Une voix de là-haut m’a vraiment parlé Que tout ce que nous construisons le jour, La nuit s’écroulera, Sauf si nous jurons Que dans le mur nous emmurerons La première épouse, La première sœur, Qui se présentera demain à l’aube, Pour apporter des mets Au mari ou à son frère. Donc si nous voulons Finir de construire Le saint monastère Pour commémoration Nous devons jurer Et nous lier par Le secret de le garder : Que la première épouse La première sœur Qui viendra demain À l’aube Nous allons la sacrifier Dans le mur l’emmurer !

Pourquoi rassembler des textes prenant leur source dans les mythes et d'autres dans les légendes ? Aujourd'hui, où ces histoires sont plus d'ordre patrimoniales que traversant la société dans son appréhension du monde, accepteriez-vous de dire que les mythes et légendes perdurent dans nos sociétés à l'égal de contes voire viennent se fondre dans le genre du conte ?

Simona Ferrante : Le folklore est une source abondante d’où jaillissent des sentiments, des principes de vie, des exemples moraux, des valeurs humaines universelles. D’un côté la littérature s’y inspire, d’un autre côté nous intégrons tout cela dans notre vie de tous les jours. Les mythes, les légendes, les contes ont pouvoir d’exemple, d’éducation et de guérison. Les mythes font partie de notre vie. Le mythe autour duquel se construit le premier conte, Le Monastère d’Arges, qui est le mythe du sacrifice pour la création (pour accomplir une œuvre le créateur doit sacrifier quelque chose auquel il tient), c’est un parfait exemple. Dans la vie nous faisons tous des choix. Un choix est un sacrifice. Nous sommes tous, à une autre échelle, des « Maîtres Manole » et les rêves que nous sacrifions pour en accomplir d’autres sont notre « Ana » à nous. Entretien réalisé par Annie Mas & Philippe Geneste les2/5 février 2017

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