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Rafael Editions

Les paroles s'envolent - blog littéraire de AnneC www.lesparolesenvolent.com

Dernière mise à jour : 30 oct. 2022

Des chroniques régulières pour partager des livres, et faire connaître de nouveaux auteurs




Posted on 28 novembre 2020

PROMESSES

de Simona Ferrante Rafael Editions 06/2020.


RÉSUMÉ


La narratrice vit en Roumanie avec ses parents et sa sœur Vara. Quand, à ses 16 ans son père meurt, une nouvelle vie chargée de responsabilités l’attend et elle envisage des études de lettres. Années 80 : Au « congrès du parti en 1982 » le gouvernement décide la famille « d’économiser » pour éponger la dette. Elles partagent donc toutes les trois l’appartement par mesure d’économie dans un communisme ambiant dans le pays avec des restrictions alimentaires, et des libertés peu à peu bannies, surveillant de près toute la population mais canalise la jeunesse en devenir de fervents partisans du régime.

L’héroïne poursuit ses études, et tombe amoureuse plusieurs fois, et à son désespoir d’un certain grec subjugué par l’utopie du régime politique qui sévit en Roumanie. Puis, devenue professeure, elle épouse Victor auront une fille ; mais un divorce compliqué s’imposera à la suite des violences subies infligées par ce mari alcoolique et imprévisible. Elle trouvera refuge avec sa fille chez sa mère et sa sœur.

Années 90. Le communisme s’effrite mais également les revenus du peuple qui ne peuvent permettre aux familles de vivre convenablement. L’opulence des étals est bien là mais les portemonnaies sont vides. La narratrice doit assumer plusieurs travails à la fois pour subvenir aux besoins de sa fille, sa mère vieillissante et sa sœur. Et bientôt, la solution se trouve derrière la frontière avec d’autres contraintes étatiques…


MON AVIS

Je remercie Simona Ferrante, un auteure chambérienne pour la proposition de son premier roman. Difficile de le lâcher quand on le commence. Dès le départ on est immergé dans l’univers familial de la narratrice, puis on en apprend tellement sur son environnement social ! Ce roman pourrait être qualifié de roman historique avec son empreinte sociale et politique dans le monde communisme des années 70. Son écriture très fluide le rend agréable à lire, voici un bon page-turner. L’érudition de l’auteure, ressentie dans le vocabulaire utilisé, surclasse l’ouvrage, en ne le limitant pas à un témoignage. Mon seul regret : les données temporelles et nominatives sur les dirigeants en place, etc. Ces données –peut-être pour un futur volume ! – mériteraient d’être étayées pour apporter une dimension historique et sociale plus importante. Mais cette immersion dans le communisme est déjà très instructive et émouvante car très concrète. Par son intermédiaire, l’héroïne soumet au lecteur une cruelle réalité vécue par nombres de femmes de sa génération. Son expérience nous instruit de cette période heureusement révolue et pourtant si proche de nous en temps et lieu.

LE RECIT D’UNE ROUMAINE

Linéaire dans sa chronologie, le récit est marqué d’un certain dynamisme car composé de beaucoup de mouvements et d’émotions mais plus de dialogues lui procureraient un atout. Certes, cette biographie riche d’intérêts aborde beaucoup de thèmes sociaux : deuil, violence conjugale, adolescence, avortement, vie de couple, famille monoparental, alcoolisme, amour, immigration, place de la femme dans la société, divorce. Mais aussi des éléments géopolitiques ! Le récit met en lumière la force de cette femme courageuse qui a su transmettre sa propre émotion d’adolescente puis de femme. Et une femme forte, courageuse pas bégueule avec des histoires d’amours malheureusement décevantes car elle a le don de s’éprendre d’amoureux qui ne lui correspondent pas. Sa condition féminine comme celle nombre de ses congénères est pavée d’embûches, et je ne peux taire l’horreur sociale, physique, et psychologique de son expérience d’IVG dans les années 80 mais si indigne d’humanité.


UNE ROUMAINE DEVENUE CHAMBÉRIENNE

Son vécu et son ressenti personnel teintés de pudeur dans ses confidences intimes livre son histoire familiale dans un cadre particulier. Ainsi, elle évolue dans la Roumanie entre les 70’s à 1995 au gré des politiques et de l’histoire soviétique. La totalitarisme sous la dictature de Ceausescu, soumet le peuple qui consent à se départir de libertés. En effet, La Roumanie, pays soviétique sous l’égide du communisme, érigée en quasi religion unique opprimait la population. Sa conception politique qui faisait abstraction de l’individu : la peur règne en maitre, les contrôles et les surveillances sont omniprésentes. En s’emmourachant d’un Grec, ébahi par l‘utopie communiste, Simona est dépitée et sidérée. Cet étranger vénère ce régime, alors qu’elle redoute sa réalité cruelle ! La vigilance de la narratrice même jeune, s’alerte des mesures liberticides du régime totalitaire. Son récit et son expérience retranscrit à la perfection cette abnégation extrême de pouvoir s’exprimer, de prier, de s’opposer… une belle illustration de la véritable privation LIBERTE à ceux qui aujourd’hui réfutent l’usage du masque (préconisé pour protéger autrui) comme liberticide ! Il y a de quoi sourire devant le vécu d’autres civilisations face à la liberté… Là aussi, Simona raconte son difficile parcours vers la liberté, un long cheminement jusqu’à sa vie d’aujourd’hui en Savoie.

Vous pouvez trouver le livre sur la Fnac et Decitre

L’AUTEURE

« Promesses » publié en 2020 est son premier roman. Auteure de romans et de contes pour adultes et enfants, l’écriture a été sa passion depuis toujours. Après une licence en langue et littérature roumaine et française, Simona Ferrante a été professeure de littérature roumaine pendant quinze ans, puis elle a émigré en France. En France, elle a travaillé pendant plusieurs années comme interprète en langue roumaine et brièvement comme correspondant locale de presse pour le « Dauphiné Libéré », elle est lectrice bénévole pour le Festival du premier roman. Ses grandes passions, l’écriture et la lecture jalonnent sa vie. Elle est l’auteure aussi de « Témoignage de l’autre rive », publié en 2014. En 2017 elle publie chez l’Harmattan un livre de contes, « Sinzienele ou les Fées de l’amour, Mythes et légendes de Roumanie », livre qui contient sept contes autour des plus célèbres mythes roumains. Le livre est illustré magnifiquement par le peintre roumain Emil Florin Grama. En 2020, elle publie le conte illustré « Lino a une grande famille », pour enfants de 5 à 8 ans. POUR ALLER PLUS LOIN Entretien avec Simona Ferrante « — Si vous devriez présenter votre roman en cinq mots essentiels, que choisiriez-vous ? — Je choisirais : Communisme, Liberté, Femme, Promesse, Espoir . – Vos études et votre culture vous a imprégnée du goût de la lecture, est-ce que l’écriture en découlait forcément pour vous ? A-t-elle joué un rôle de se libérer du joug psychologique emmagasiné ? C’est vrai que ma génération a été en grande partie une dévoratrice de livres. Nous n’avions pas des émissions télé aussi diversifiées qu’aujourd’hui, loin de là ! Nous avons eu principalement la lecture, la musique et l’amitié comme passe-temps. Je ne peux pas m’imaginer ma vie sans les livres ! La passion de la lecture je la dois en partie aussi à ma mère qui est encore, à 85 ans, une grande lectrice. Cependant, je pense que l’écriture fait partie de mon histoire personnelle. C’est difficile de s’ouvrir et de raconter une histoire qui touche une partie profonde de soi-même, c’est plus facile de l’écrire. Au fil de mes rencontres et aussi dans le café où je travaillais, je m’apercevais que beaucoup de questions récurrentes m’étaient posées sur mon passé en Roumanie, sur la raison pour laquelle j’ai quitté mon pays. Alors finalement, j’ai décidé d’écrire mon histoire, notamment dans « Promesses ». Mais cela a été fait en plusieurs phases. Après une première écriture du récit, commencé en 2008, je l’ai reprise en 2014. Puis, sur le conseil de ma fille, j’ai introduit une partie beaucoup plus personnelle à mon histoire. — Le livre a été publié en français. L’avez-vous écrit en roumain puis traduit ou l’avez-vous écrit directement en français ? La première version, publiée sous le titre de « Témoignage de l’autre rive », je l’ai écrite en roumain et je l’ai traduite moi-même en français. Ensuite, je l’ai repris en intégralité en 2014 et j’ai tout écrit en français directement. Belle performance, car c’est bien écrit ! — L’écriture a-t-elle joué un rôle de vous soulager d’un joug, (car votre vécu a été très difficile par moment ?) Oui, raconter mon histoire m’a permis de tourner la page. L’écriture est une délivrance, tout en étant une thérapie. Je reçois ce besoin d’écrire comme un cadeau du Ciel, parce que c’est mon lien subtil aux autres. L’écriture est un vrai échange. On donne notre cœur et si on touche le cœur de l’autre tout est réussi. — Cette phrase symbolise une nouvelle liberté après la chute du régime de Ceausescu : « Les gens osent tout d’un coup parler plus ouvertement de la précarité de notre vie. Des discussions animées naissent dès que les gens se rassemblent, dans le hall d’un immeuble, dans une file d’attente, sur les couloirs de l’entreprise où ils travaillent. Le ton monte, la colère s’exprime contre ceux qui sont responsables de nos privations. » Vous qui avez vécu cette transition vers la liberté, quel ressenti avez-vous vis-à-vis du tempérament français souvent « jamais content » ? Au début, j’étais exaspérée de voir les gens se plaindre tout le temps alors que le système de santé et l’administration française fonctionnent parfaitement bien par rapport à ce que j’avais pu vivre en Roumanie. Ensuite je me suis adaptée, on s’adapte vite au meilleur ! — J’ai trouvé que les données historiques et politiques manquaient de précisions. Ayant vécu personnellement la chute de Ceausescu via la radio, ou télévision, on a du mal à se représenter la libération ou non du peuple… comme pour toutes les fins de dictature, on s’aperçoit que la suite donne lieu à d’autres excès… vous sentez-vous désirer un jour de raconter cela ? Je ne voulais pas écrire un roman historique, mais je comprends tout à fait que le lecteur puisse rester sur sa faim sur le sujet. Tant mieux si mon roman lui a éveillé la curiosité de lire plus, de s’informer. Ça serait même une belle démarche ! Les gouvernements qui ont suivi le régime Ceausescu ont déçu le peuple de manière répétée. Pour moi c’est une blessure qui n’est pas encore fermée. Je rêve qu’un jour la Roumanie soit un pays qui ne déçoit plus ses citoyens, un pays juste, honnête, démocrate. Les Roumains sont des gens exceptionnels, ils le méritent !

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